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Faites du Patois !
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5 avril 2007

La sievra de l'Amélie Gondcaille (La chèvre de l'Amélie Gondcaille) Un conte d'Alphonse Beaudet

A la Ronzière, à Cormoranche, Amélie GONDCAILLE a toujours eu un beau troupeau de chèvres. Mais il y en a une qu’elle aimait mieux que les autres, oui, la Blanchette, comme elle l’appelait.
A la Ronzire, à Cromaraisse, l’Amélie Gondcaille atorzo yo on bravo tropiau de sievre. Mé yè na yena que l’amave mio que le zatre, oua, la blaissetta quemè le l’apelave.

Mais il y avait un loup qui venait souvent des bois de la prairie de la Saône, et qui s’en prenait aux chèvres tous les ans. Chaque fois, une chèvre était mangée. Ce n’était pas facile de maintenir les douzaines de bons fromages, les secs, demi-secs et frais, ma foi.
Mé yave on lo que venie sovè dé bou d’la prarie d’la souna, pi que sè prenie, a l’sievre tote le sazon. Tui leu zai na sevra ére maizia.  Yére pro aija pe mainteni le dozaine de bon fromazzo, lou se, demi se, pi fré, ma fa.

La chèvre qu’Amélie aimait le mieux, était vraiment belle, c’était vrai. Elle avait les yeux bleus, une barbe grande comme le jet d’eau de la place de l’église du bourg, ses sabots noirs et luisants, ses cornes zébrées, et son grand pelage blanc, qui lui faisait une redingote. Amélie aimait bien cette chèvre là. Elle était douce, caressante, se laissant traire sans bouger, sans mettre son pied dans l’écuelle. Un amour de petite chèvre. Elle l’appelait donc blanchette.
La sievra que l’Amélie amave lo mio, ére vramai brava, ye vra. L’ave lou zu blezou,   na barba graida quemè lo jé dô d’la plache de l’eilise du bor, sou sabo nar pi luizai, se côrne  zébrô, pi, seu grai pelazo blanc, que li faze na redingota. L’Amélie  amave bié  chla sevra tie. L’érè dossa, caraissaita, se lassai trare sai guegne, sai mettre son pie dai l’écouala. N’amor de ptieta sievra. Le l’appelave don Blaissetta.

Amélie avait derrière sa maison, un pré entouré d’aubépine. C’est là qu’elle mettait la chèvre qu’elle aimait le mieux.
L’Amélie ave derri sa mazon, on pro aitorô d’arbepin. Ye tie que le metave la sievra que l’amave lo mio.

Elle l’avait attachée à un piquet, au meilleur endroit du pré. Elle avait eu l’attention de lui laisser une grande corde, et de temps en temps, elle venait voir si elle était bien. La chèvre ne disait rien, mais n’en pensait pas moins. Amélie était vraiment contente, et se disait, en elle-même : « Ma foi, en voilà une, qui ne va pas s’ennuyer chez moi ! »
Le l’ave attacha a on peke, u melio aidra du prô. L’ave yo l’attaition de ly lache na graida corda, pi de té zai té le venie va si l’éve biai. La sievra  ne deze rai, mé nai sonzave pô min. L’Amélie, éve vramai contaita, pi se deze, ai yela mêma : « Ma fa, n’ai f’tia yema,  que ne va pô s’ainoye  vé ma !!…

Elle se trompait, la chèvre s’ennuyait. Un jour, Blanchette pensait en regardant du côté de la Saône : « Comme on doit être bien, dans la prairie, le long de la Saône, quel plaisir de gambader, où il n’y a pas « d‘aillansson » (d‘euphorbe). Je n’aurai pas besoin de cette méchante corde, qui m’écorche le cou. C’est bon pour les ânes, et pour les bœufs de manger dans ce petit carré. Les chèvres ont besoin de large !… Avec tout çà dans sa tête, elle s’ennuyait, l’herbe n’avait pas de goût. Elle maigrissait et n’avait plus de lait. Elle faisait pitié à voir, tirant sur sa corde, toute la journée, la tête tournée du côté de la Saône, les naseaux ouverts, en faisant : mèe ! mèe ! mèe ! tristement.
Le se trompave, la sievra s’ enoyave. On zor, la Blaissetta paisave ai gatiai du flan d’la souna « Kemé on da étre biai dai la prarie, lo long d’la Souna qué plazi de gaibadô, tion ya pô d’aillaisson. Ze nara pô bezon d’chla méssaita lonze, que m’écorce lo co. Ye bon pe lou zano, pi pe lou boueu de maize dai cho ptie carrou. Le sievre, l’ai bezon de larzou !… Avoua to saitie dé sa téta, le s’énoillave, l’arba ére sai go. Al magri, l’ave pô mé de la. Le faze peilla de la va, tero su sa lonze, tota la zornô, la teta tornô du flan d’la souna, lou nazô vouar, ai fasai : Mé, Mée, Mééé, tristamai.

Amélie s’apercevait bien que sa chèvre préférée avait quelque chose, mais ne savait pas ce qu’elle avait.
L’Amélie s’apércevave bin que sa sievra préfero ave n’saka, mé ne save pô ka ke l’ave.

Un matin, elle avait terminé de la traire, la chèvre lui dit dans son patois : « Ecoutez moi Amélie, je m’ennuie chez vous, laissez moi aller le long de la Saône ! »
« Ah ! Quel malheur ! Elle aussi ! » cria Amélie, avec beaucoup de peine, en laissant tomber son seau de lait. Elle s’assoit dans l’herbe, à côté de la chèvre et lui dit : « Comment Blanchette, tu vas me quitter, pourtant, l’herbe ne te manque pas ici !… »
On matin, l’ave assui d’la trére, la sievra li di dai son patoué : « Equetô me Amélie, ze m’enoïe vé vo, lachô me allô lo lon d’la souna ! »
« Ah ! Ké malor ! Yela arri ! » Creilla l’Amélie, avoua biè de pinna, lai lache satô bô son seillaton de la. Le se chete de l’arba, u flan d’la sievra pi li di : « Kemè, Blaissetta, te vo me quettô, pretè, l’arba te maique pô  itie !… ».

Blanchette lui répondit : « Ma foi oui, Amélie, je veux aller le long de la Saône !… »
La Blaissetta li repondi : « Ma fa voua, Amélie, ze vo allô lo lon d’la Souna ! »

Amélie : « Malheureuse, tu ne sais donc pas que le loup vient des bois d’acacias. Et tu feras quoi, quand il viendra ? »
Amélie : « Maleroza, te sa don pô qu’ia lo lo que vin des beu d’akacha. Pi, te fera ka, kai y vindra ? »

Blanchette : « Je lui donnerai des coups de cornes !… »
La Blaissetta : « Ze li baillera de co de corne !… »

Amélie : « Le loup, tu vas le faire rire avec tes cornes. Il a mangé des biquettes qui avaient des cornes bien plus grandes que les tiennes. La Renaude qu’il a mangé la dernière était forte, et mauvaise comme un bouc !… Elle s’est accrochée avec le loup, toute la nuit, et le jour venu, le loup l’a mangé !… »
Amélie : « Lo lo, te va lo fere rire avoua te côrne. La mai de bequettes qu’avai  de corne biai ple graides que le tinne. La Renôde que la maizia lai deri ére forta, pi môvéze keniè on boquin !… Le se t’akôrsô avoua lo lo tota la né, pi lo zor venu, lo lo la maija !… »

Blanchette : « Malheur ! Pauvre Renaude ! Cela ne fait rien Amélie, laissez moi aller le long de la Saône !… »
La Blaissetta : «  Pecaïre ! Pouvra Renaude ! Sai ne fa rai Amélie, lachô ma allô lo lon d’la Souna !… »

Amélie : « Qu’est-ce qu’on a fait à mes chèvres ! Encore une que le loup va manger ! Eh bien Blanchette, je vais te sauver malgré toi ! Coquine ! Tu ne pourras pas casser ta corde ! Je vais t’enfermer dans l’étable, et tu vas y rester toujours !… »
Amélie : « Ka don quon n’a fa a me sievre ! Onco yena que lo lo va maije  !… Hé bin, Blaissetta, ze va te savô malgré ta ! Kokena ! Te ne pora pô cassô ta côrda !  Ze va t’èfrômô dé la buze, pi te vô y demôrô torzo !…

Amélie emmène la chèvre dans l’étable, toute noire, et elle ferme la porte à double tour. Malheureusement, elle oublie la fenêtre. Elle avait à peine tourné les talons, que le chèvre s’en allait. Elle prit la route du bourg, en faisant attention aux voitures. Puis après le jet d’eau, elle prit le tournant de la route du pont d’Arciat. Elle trouva tout son bonheur en arrivant à la prairie : plus de corde, plus de piquet. L’herbe est bonne, avec les fleurs, le trèfle, les pissenlits. Puis vient la nuit, et tout d’un coup, voilà qu’elle entend « Hou ! Hou !… ». Un moment, ses oreilles se dressent, en arrière, elle entend traîner quelque chose dans les feuilles. Blanchette se retourne, et voit dans l’ombre, deux petites oreilles, toutes droites, avec deux yeux qui reluisaient… C’était le loup !… Assis sur son derrière, gros, il était là, qui regardait la petite chèvre blanche, et la dégustait d’avance. Il savait bien qu’il la mangerait, et ne se pressait pas.
L’Amélie aiminne la sievra dé la buze, tota nare, pi le froume la porta à doble tor.
Malreuzamai, la ubleia la fenétra. L’ave a pinna tornô lou talon, que la sievra sai n’alla. Le pri la rota du bor , è fazai attaition a l’vetere. Pi apré lo zé d’ô, le pri lo tornai d’la rota du pon d’Archa. Le trouva to son benor  ai n’arrevai a la prarie : Pô mé de côrda, pô mé de peke. L’arba e bena, avoua le fleur, lo treillole, lou pissaili. Pi vin la
n’é , é to don co, v’tia que l’aitai « Hou ! Hou !… ». On momai, derri yela se z’oureille se dresson l’aitai  trainnô  n’saka dé le foille; Blaissetta gatie deri, pe va dé l’ombra, deve petiete zoureille, tote drate, avoua dou zu que reluisai… Yére lo lo !… Cheto su son derri, grou, l’éré tie, que gatiave la petite sievra blansse, pi la dégustai d’avaisso. I save biais ki la maizere, pi ne se
pressave pô.

Quand la chèvre se retourna, le loup éclata de rire méchamment. Il dit alors : « Ha ! Ha ! Ha ! La petite chèvre d’Amélie ! … » En passant sa grande langue rouge sur ses babines noires.
Kai la sievra se retorna, lo lo éclata de rigolô messamai. Y de alôr « Ha ! Ha ! Ha ! » La petieta sievra de l’Amélie ! « Ai passai sa graida lingua rozo su seu babine nare.

La Blanchette d’Amélie, se mit alors en garde, la tête baissée et les cornes en avant, comme une brave chèvre qu’elle était.
La Blaissetta de l’Amélie, se mette alôr ai garda, la teta bassa, pi le côrne ai n’avai, kemè na brava sievra que l’éve.

Elle ne pensait pas qu’elle pourrait tuer le loup, (les chèvres ne tuent pas les loups), mais seulement pour voir si elle pourrait tenir aussi longtemps que la Renaude.
Le ne paissôve pô que le pore tiô lo lo, (le sievre ne tion pô leu lô) mai lamai pe va si le porre teni asse graité que la Renaude.

Alors, la méchante bête s’avança et les petites cornes entrèrent dans la danse. Ah oui ! La brave chevrette, comme elle y  allait de bon cœur. Plus de dix fois, elle forçat le loup à reculer pour reprendre son souffle. Cela devait durer toute la nuit. De temps en temps la chèvre d’Amélie regardait les étoiles danser dans le ciel clair, et elle pensait : « Ah oui ! Pourvu que je puisse tenir jusqu’à la levée du soleil ! » Les unes après les autres les étoiles allaient s’éteindre. Blanchette redoubla de coups de cornes et le loup, de coups de dents. Le jour commence à se lever, à ce moment, on entend un coq, qui avait la gorge toute éraillée, depuis qu’il avait eu les pieds dans l’eau, pendant la dernière crue de la Saône à Arciat, donc le coq chante, dans une ferme, chez Rolland PROLONGE.
Dra lé, la méssaita béta s’avaicha, pi l’petiete corne aitraive de la daisse.
Ah voua ! La brava sievretta, kemè li alave de bon keur.
Mé de di ko, le força lo lo a rekelô pe repraidre son sofflo. Y deve derô tota la né. De té z’è té la sievra de l’Amélie guatiave le zétoile daiche dè lo ciel clar, pi le paissave : « Ah voua ! Prevu que ze pusse teni taika la levô du selo ! »
Le zene apré le zatre, le zétale allave s’éteindre.
Blaissetta redobla  de co de côrne,  pi lo lo, de co de dé. Lo zor kermesse a se levô, a cho momai, on aitai on coq, k’ave la guorza tota cassô, depi que l’a yo lou pie dai l’édie, paidai la derire montô d’la souna archa ; don lo coq saite, dà na farma, vé Rolland Prolonze.


« Enfin » dit la pauvre chèvre qui attendait ce moment pour mourir.
« Kè mémo » de la peuvra sievra qu’attaidôve cho momai pe meri.

Elle s’étendit par terre, la Blanchette, dans  sa jolie redingote blanche, toute couverte de sang. A ce moment là, le loup se lançât sur la petite chèvre et la mangeât.
Le s’étaidi  pe  tara, la Blaissetta, dai sa brava redingotta  blaisse, tota couarta pe son sang.
A cho momai tie, lo lo se laissa su la p’tieta sievra pi la maija.

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